2. La diversification des genres et des thèmes musicaux

Les jeunes artistes et les promoteurs de nouvelles tendances rock devront compter sur eux-mêmes pour sortir des difficultés des années 1980.

 

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La Bottine Souriante,
En spectacle (1996)

Les jeunes artistes et les promoteurs de nouvelles tendances rock devront compter sur eux-mêmes pour sortir des difficultés des années 1980. Les compagnies de disques et de radiodiffusion préfèrent miser sur des musiques commerciales bien établies sur le marché, et plus rentables. Durant cette décennie, on évite d’utiliser le français québécois populaire. Les courants world beat et disco, qui n’ont guère d’attaches culturelles dans la francophonie canadienne, sont les bienvenus. Bien que les efforts de la maison de disques montréalaise indépendante Audiogram permettent l’enregistrement de nombreux artistes québécois et canadiens, la diversité musicale est en baisse en dehors de la chanson pop et du soft rock.

Il faut attendre le milieu des années 1990 pour que la reprise économique stimule l’industrie musicale canadienne et favorise un retour à la diversité. La création de petites maisons de disques spécialisées permet aux groupes musicaux ignorés par les grandes firmes d’enregistrer leur premier album. L’époque du studio maison n’est pas encore arrivée, mais l’accessibilité accrue des ordinateurs, de l’équipement de studio et des moyens techniques liés à l’enregistrement fait en sorte que de petites compagnies peuvent fonctionner modestement.


Parmi les musiques alternatives figurent les types de rock plus lourds, dont le heavy, le trash et le death métal. Outre les fameux Voivoid, Obliveon, Overbass, Gorguts et Cryptopsy, qui ne chantent qu’en anglais depuis le milieu des années 1980, les premiers groupes de ce genre à intégrer des chansons en français sont Anonymus, Ghoulunatics et Mental Disorder, qui lancent tous un premier album en 1994.

La musique punk, qui combine des influences de hardcore et de rock alternatif, voit son succès croître au Canada français avec Groovy Aardvark, Grim Skunk, Planet Smashers, Banlieue rouge (1990 à 1999), ainsi que les Secrétaires volantes (1991 à 1997), Kermess et les Vulgaires Machins, ces quatre derniers groupes ne chantant qu’en français.

Comme le mentionne Luc Bellemare dans son article « La musique rock au Québec et au Canada français », les groupes de métal, mais aussi de punk, sont souvent inconnus du grand public. Ils n’en sont pas moins populaires pour autant ! Les réseaux de vente de disques, de spectacles et de diffusion radiophonique sont en marge, mais bien organisés. Ces groupes s’autoproduisent, ou se tournent vers des maisons de disques indépendantes et spécialisées, telles que Indica Records (fondé par Grim Skunk en 1997), Stomp Records et Galy Records. Avec Internet, les communautés de fans peuvent échanger de l’information sur ces groupes canadiens, au sujet de la venue d’un spectacle ou la sortie d’un album. Tel est le mandat des sites www.poilusonline.com, www.quebecpunkscene.net, www.rimouskimetal.net, pour n’en nommer que quelques-uns.

La situation est très semblable pour les musiques dites « du monde », folkloriques, ou traditionnelles. Ces réseaux parallèles disposent de festivals (Festival mémoire et racines, les Grandes Veillées, etc.), d’associations (www.mnemo.qc.ca, ou Fédération des associations de musiques et danses traditionnelles, www.famdt.com) et de maisons de disques spécialisées (Productions Le Tamanoir, Les productions mille-pattes, La Tribu). La musique d’inspiration traditionnelle (puisque les groupes actifs dans ce genre composent également de nouvelles chansons, en plus d’interpréter des chansons tirées du répertoire ancien), qui avait bénéficié de l’engouement du public dans les années 1960-1970, revient à l’avant-plan dans les années 1990. Certains groupes résistent au temps comme la Bottine souriante, mais plusieurs naissent et créent un nouveau mélange de styles et d’influences. Ainsi, de nombreux amateurs dansent sur les rythmes de Mes Aïeux, sans doute le groupe le plus connu, de la Volée d’castors, des Batinses, de Swing et de bien d’autres. Outre les groupes, plusieurs artistes solos mènent une fructueuse carrière en musique traditionnelle, ou néotraditionnelle. Plusieurs préfèrent développer un marché dans leur propre région, un peu comme le font bien des artistes de style country-western. Ici aussi, Internet constitue un outil appréciable : des sites comme www.trentesouszero.com permettent de faire la promotion de tous les groupes et des activités liées à cette musique d’inspiration folklorique.


D’autres genres musicaux prennent également leur place sur le marché à partir de la décennie 1990. La musique country-western, qui s’était faite discrète depuis les années 1970, refait surface dans les médias avec des artistes tels Stephen Faulkner, Gildor Roy, Bourbon Gauthier, Manon Bédard, et d’autres. Les musiques expérimentales et d’improvisation suscitent de plus en plus d’intérêt, notamment grâce au Festival de musique actuelle de Victoriaville (www.fimav.qc.ca), tandis que le jazz s’institutionnalise dans les cégeps et les universités francophones. Évoquons enfin un genre musical particulier, qui passera d’une ignorance totale à une forte médiatisation en moins de dix ans : le hip-hop.

Les artistes canadiens, tous genres musicaux confondus, ont pu vendre des centaines de milliers d’albums sur les marchés francophone, anglophone, américain et européen. Pourtant, certains genres musicaux demeurent ignorés du grand public, leur existence n’étant connue et appréciée que de certains amateurs bien particuliers. Dans ces cas, il faut connaître les compagnies de disques spécialisées, les salles de spectacles pertinentes, les bons festivals et les bons postes de radio afin de se familiariser avec l’un ou l’autre de ces styles. À ce propos, les médias ont modifié leurs stratégies depuis les années 1980, avec une approche par secteur ou marché ciblé. Afin de réaliser des profits, les radios, en particulier, se tournent vers les genres les plus populaires. Du coup, ils déterminent souvent quelles chansons ou quels artistes deviennent réellement populaires. C’est donc principalement aux radios communautaires et aux radios étudiantes que revient la tâche de faire connaître les groupes musicaux émergents, tous genres confondus, au cours d’émissions spécialisées. La radio d’État (Radio-Canada) joue également un rôle complémentaire à cet égard, en diffusant une partie du répertoire négligé par les radios commerciales.

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