4. Autour de l’artiste : les professions de l’industrie de la chanson

Plusieurs métiers et professions se rattachent à l’industrie de la chanson.

 

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Starmania, Montréal, vers 1987

Plusieurs métiers et professions se rattachent à l’industrie de la chanson. On pense d’abord à l’interprète, cet artiste qui donne vie aux chansons par son interprétation sur disque et sur scène. Mais, s’il est le plus visible, l’interprète est encadré et appuyé par des spécialistes qui travaillent à l’écart des projecteurs. En effet, plusieurs tâches spécifiques sont nécessaires avant qu’une chanson ne parvienne aux oreilles du public. Ces tâches se répartissent en trois grandes étapes. La préproduction touche l’écriture et l’interprétation, les choix artistiques, les arrangements, la sélection des musiciens et du studio. La production concerne les répétitions en studio, la prise de son, le mixage et le matriçage. Enfin, la postproduction vise la distribution, la promotion, et l’organisation des spectacles et des prestations médiatiques.

Selon l’argent investi et, parfois, le genre musical, certaines de ces étapes sont modifiées ou « faites maison » ; on nomme ce mode de production plus simple et moins coûteux musique indépendante (ou « indie »). Mais à partir des années 1980, la majorité des artistes populaires bénéficient des services d’une équipe complète de professionnels qui développent et soutiennent leur carrière. C’est au tournant des années 1970-1980 que se mettent vraiment en place tous les maillons de l’industrie de la chanson, telles qu’on les connaît encore aujourd’hui. Voici quelques exemples.

Céline Dion en compagnie de Luc Plamondon
aux studios de MusiquePlus, 1986

Le parolier est un rédacteur qui se spécialise dans l’écriture de paroles de chansons. Il peut proposer ses textes à un interprète, un compositeur de musique, un gérant, ou encore à une maison de disques. La plupart du temps, il travaille de pair avec un compositeur. C’est le cas du plus célèbre parolier québécois, Luc Plamondon, qui amorce sa carrière dans les années 1970. Plamondon travaille toujours en collaboration avec un compositeur et, bien souvent, avec un interprète. Le succès des chansons qu’il a écrites en collaboration avec le pianiste François Cousineau, pour l’interprète Diane Dufresne, fait de lui un parolier recherché.

C’est cependant avec l’opéra rock Starmania, créé en collaboration avec le Français Michel Berger, que Luc Plamondon accède à une renommée internationale. La tournée de cette grande production musicale et scénique débute en 1977 et donnera lieu à de nombreuses reprises. Plamondon a écrit des chansons pour des dizaines d’artistes français et canadiens dont Julien Clerc, Françoise Hardy, Johnny Hallyday, Richard Cocciante, Claude Dubois, Emmanuelle, Robert Charlebois, Fabienne Thibeault, Nanette Workman, Diane Tell, Ginette Reno, Monique Leyrac, Barbara, sans oublier sa fructueuse collaboration avec Céline Dion dans les années 1990.

Rene Angélil, gérant de Céline Dion, vers 1988

Les auteurs-compositeurs proposent des chansons entières, paroles et musique, aux interprètes ou aux maisons de disques. Dans bien des cas, les auteurs-compositeurs sont aussi des interprètes qui se mettent au service d’autres interprètes. L’un des premiers auteurs-compositeurs marquants des périodes récentes est Stéphane Venne. Après avoir fait ses débuts comme auteur-compositeur-interprète dans les années 1960, Venne décide de délaisser le côté performatif de la scène pour se consacrer à la traduction et à la composition de centaines de chansons. Il signe notamment la chanson-thème d’Expo 67. Il sera particulièrement actif dans les années 1970 pour des interprètes féminines qui obtiennent un grand succès, telles Renée Claude, Isabelle Pierre, Pauline Julien et, plus récemment, Marie-Élaine Thibert. Ses créations ont aussi fait un retour remarqué à l’avant-scène dans le cadre du concours télévisé de chansons Star Académie.

Pour aider l’artiste à développer et à mener sa carrière de façon efficace, un gérant, aussi appelé agent ou imprésario, est souvent la clé du succès. Le gérant d’artistes assume les dimensions financière et administrative, entre autres en négociant les contrats avec les maisons de disques et les producteurs de spectacles. Peu connu du public, le gérant agit dans l’ombre et permet à l’artiste de se consacrer tout entier à son art.

Dans les années 1970 et 1980, plusieurs gérants s’occupent avec succès d’artistes bien connus de la scène francophone canadienne : citons Yvan Dufresne (Michel Louvain, Donald Lautrec), Paul Dupont-Hébert (Harmonium, Francis Cabrel), Guy Cloutier (Johnny Farago, Patrick Zabé, René Simard), Yves Savard (Beau Dommage), Réjean Rancourt (Daniel Lavoie), Paul Vincent (Roch Voisine), Pierre Tremblay (Marie Carmen, Gerry Boulet) et Richard Langevin (Diane Dufresne). Quant à René Angélil, célèbre gérant et mari de Céline Dion, il dirige d’abord la carrière de Ginette Reno dans les années 1970, puis se consacre exclusivement à Céline Dion à partir de 1981.

Diane Tell, album «On a besoin d’amour» (1985)

L’un des maillons clés de la chanson est le producteur. Son rôle est d’orienter les choix techniques et artistiques liés à la production d’un disque ou d’un spectacle. Il prend aussi en charge le financement de ces réalisations. Il n’est pas rare qu’un gérant d’artistes crée sa propre compagnie de production, et devienne donc producteur, mais la plupart des producteurs ne sont pas des gérants. Parmi les producteurs les mieux connus, il faut citer l’exemple de Guy Latraverse.

Guy Latraverse commence sa carrière comme gérant d’artistes dans les années 1960, puis il organise et produit des spectacles pour ses artistes. Très actif dans le milieu de la chanson francophone, il produit les spectacles de nombreuses vedettes québécoises comme Claude Léveillée, Robert Charlebois, Diane Dufresne et Yvon Deschamps, et également d’artistes européens comme Charles Aznavour, Léo Ferré, Mireille Mathieu et Petula Clark. Latraverse produit L’osstidcho en 1968, juste avant de fonder sa compagnie de production Kébec-Spec en 1970, avec son ami Gilles Talbot. Il crée peu après Kébec-Disc et Kébec-Film, puis l’Équipe Spectra en 1977, qui œuvre dans la production de spectacles, de disques et de séries télévisées. Il poursuit son travail de mise en valeur de la chanson francophone par l’instauration du gala annuel de l’ADISQ (Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, ainsi qu’on désigne maintenant cette association) en 1977 (organisme dont il est l’un des fondateurs) et la création des FrancoFolies de Montréal en 1989 (avec Alain Simard). Son apport à l’industrie musicale francophone et québécoise est donc immense.

Guy Latraverse en 2007,
lors du vernissage d’une
exposition de Diane Dufresne

Plusieurs autres maillons de la chaîne de création et de production des chansons francophones sont importants : notamment le directeur artistique, le réalisateur, les musiciens, les studios d’enregistrement et les maisons de disques. Ces dernières sont très nombreuses. Les plus importantes sont des multinationales qu’on appelle couramment les majors. Les principaux acteurs mondiaux de l’industrie du disque sont actuellement Warner, Sony/BMG, Universal et EMI. On peut aussi mentionner Capitol, London, Columbia et A&M. Toute ces compagnies ont des filières canadiennes.

Au Québec, où l’industrie du disque est solidement implantée depuis longtemps, certaines compagnies locales font très bonne figure, dont Disques Gamma ltée (fondée en 1965 par Jack et Daniel Lazare) ; Disques Mérite (fondée en 1979 et dirigé par Denis Pantis) Audiogram inc. (fondée en 1982 par Michel Bélanger), Disques Star (fondée en 1982 par André Di Cesare). Plusieurs autres compagnies sont apparues dans les années 2000 au Québec et en Acadie, notamment, où la production de chansons francophones est très dynamique.

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