3. L’éclosion de la chanson populaire féminine

Jusqu'à la fin des années 1950, le rôle des femmes dans la chanson a surtout été celui d'interprètes.

 

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Ginette Reno en spectacle en spectacle, 1972

Jusqu'à la fin des années 1950, le rôle des femmes dans la chanson a surtout été celui d'interprètes. Certaines ont fait de belles carrières, par exemple Lucille Dumont, Estelle Caron, Monique Leyrac et Pauline Julien, dont la carrière se poursuit dans les années 1960 et 1970. Les choses sont appelées à changer avec la montée du féminisme québécois, surtout à partir de 1969. À l’image d’autres courants contestataires de cette époque, les revendications féministes sont audacieuses et rompent avec l’image traditionnelle de la femme. Les militantes exigent la fin de la discrimination pour avoir droit aux mêmes conditions de travail que les hommes, droit à l’égalité salariale, au divorce, à l’éducation gratuite, aux garderies gratuites, bref elles se font les porte-paroles du progrès social. La montée du féminisme se produit partout en Occident et l’année 1975 est décrétée Année internationale de la femme par l’ONU. En 1976, le gouvernement fédéral crée un ministère qui porte le nom de Condition féminine Canada.

Pauline Julien en spectacle, 1968

Ce courant se fait également sentir dans le monde de la chanson. Clémence DesRochers, présente depuis plusieurs années sur la scène artistique, combine à cette époque monologues humoristiques, poèmes et chansons engagés pour la cause des femmes. Sa revue Les Girls présentée pour la première fois en mai 1969, est une revue féministe controversée dans laquelle elle propose un portrait critique de la femme des années 1960. Renée Claude et Fabienne Thibeault lui rendront d’ailleurs hommage en reprenant de ses chansons une quinzaine d’années plus tard.

Renée Claude, Moi c’est Clémence que
j’aime le mieux, 1981

Pour l’Année internationale de la femme, Jacqueline Lemay, auteure-compositrice-interprète originaire du Témiscamingue, compose La moitié du monde est une femme, qu’interpréteront Pauline Julien, au Québec, et Isabelle Aubret, en France. Pauline Julien fait carrière au Québec et en France dès les années 1950, mais elle devient particulièrement populaire à la fin des années 1960. Fidèle représentante de la cause indépendantiste du Québec, elle sera même détenue pendant la crise d’Octobre en 1970. Après 1972, elle voue sa carrière à la cause féministe. En 1977 et 1978, elle obtient un énorme succès au Québec et en France avec son spectacle et son disque Femmes de paroles. Plusieurs autres femmes investissent la scène musicale francophone comme auteure-interprète, dont Angèle Arsenault. Cette auteure-compositrice-interprète originaire de l’Île-du-Prince-Édouard fait ses débuts dans les boîtes à chansons dans les années 1960. Elle prend part aux manifestations féministes des années 1970 et dénonce dans certaines chansons les injustices faites aux femmes. On peut également ajouter Sylvie Tremblay et Joe Bocan, qui entreprennent leur carrière au début des années 1980 dans un registre plus « pop », mais certainement engagé.

Affiche du spectacle d’Edith Butler en 1985

Angèle Arsenault vers 1986

Certaines femmes investissent également le monde traditionnellement masculin de la production de musique. Citons particulièrement le cas des Productions SPPS (Société de production et de programmation de spectacles), une compagnie fondée en 1974 par Angèle Arsenault, Lise Aubut, Édith Butler et Jacqueline Lemay. Cette compagnie, dirigée par des femmes, encourage tout spécialement la production de musique par des femmes.

Diane Dufresne en spectacle, vers 1987

Cette période voit aussi éclore de grandes interprètes. Après s’être fait connaître avec Les Girls, Diane Dufresne fait une carrière solo et connaît rapidement un grand succès. Son style provocant suscite également de vives réactions. Dès 1972, grâce à sa personnalité, à son énergie exubérante, ainsi qu’à ses tenues vestimentaires et à son attitude non conformistes, sa popularité dépasse les frontières. Elle devient extrêmement populaire partout au Canada, aux États-Unis et en Europe. Consacrée diva après son rôle dans Starmania, elle fait fureur en 1984 avec son spectacle Magie rose et en devenant la première artiste québécoise à présenter un spectacle au Stade olympique devant plusieurs dizaines de milliers de spectateurs. L’article « Bien avant Madonna » permet de saisir l’avant-gardisme de cette artiste inclassable.

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