Il n’est pas rare que les deux langues officielles du Canada jouent un rôle dans la carrière d’un artiste francophone.
Kevin Parent lors d’un concert
extérieur au Vieux-Port de Montréal,
30 juin 2002
Il n’est pas rare que les deux langues officielles du Canada jouent un rôle dans la carrière d’un artiste francophone. Ce phénomène n’est ni nouveau, ni propre aux années 2000, ni même unique au Canada français, mais il s’est intensifié au cours des dernières années.
Michel Pagliaro est l’un des premiers artistes francophones de la chanson à mener une carrière en français et en anglais. Il enregistre quelques disques en français dans les années 1960, puis un album en anglais dès 1971. Il alterne ensuite entre ces deux langues tout au long de sa carrière. Une particularité de Pagliaro est qu’il traduit et enregistre plusieurs de ses propres chansons dans les deux langues. Le cas de Nanette Workman est aussi très intéressant. Cette Américaine de naissance commence sa carrière de chanteuse dans les années 1960 sur Broadway, à New York. Puis elle déménage à Montréal en 1966, et se met à chanter en français, tout en continuant à travailler comme choriste pour de grandes vedettes anglophones, dont les Rolling Stones et John Lennon. Durant sa longue carrière, qui se poursuit toujours, Nanette a réalisé plusieurs albums en français, et plusieurs en anglais.
De 1967 à aujourd’hui, le Franco-Manitobain Daniel Lavoie a aussi fait carrière dans les deux langues, quoique surtout en français. Le cas de Jim Corcoran est particulier. Ce Québécois d’origine anglophone, qui a fait toutes ses études en anglais, compose et chante presque uniquement en français depuis les années 1970. Mentionnons aussi Kate et Anna McGarrigle, deux Québécoises nées de mère francophone et de père anglophone, qui créent depuis la fin des années 1960 des chansons dans les deux langues.
Thomas Hellman, Prêts, partez (2008)
Andrea Lindsay, La Belle Étoile (2006)
Après le succès planétaire de Céline Dion dans les années 1990 et 2000, succès qui repose principalement sur son répertoire en anglais, et la mondialisation actuelle de la musique, il n’est pas étonnant que plusieurs artistes francophones tentent leur chance en anglais. Certains enregistrent tour à tour en français et en anglais, ou chantent dans les deux langues sur le même album. Pensons entre autres à Roch Voisine, Kevin Parent, Sylvain Cossette,Dany Bédard, Bran Van 3000, ou We Are Wolves (de Montréal). Sur les scènes rock, heavy metal ou punk, l’usage exclusif de l’anglais par des artistes francophones est plus courant. C’est ce qui a permis au groupe Simple Plan, par exemple, de se tailler une place sur la scène internationale. C’est aussi le choix qu’a fait plus récemment l’auteure-compositrice-interprète Pascale Picard, originaire de Québec.
Depuis 1990, à l’occasion de la sortie du premier album de Céline Dion en anglais, certaines voix s’élèvent contre cette stratégie de mise en marché, qui menacerait selon ces personnes la chanson francophone au Québec et au Canada. Bien qu’on constate un accroissement de la production anglophone d’artistes francophones depuis quelques années, le phénomène inverse peut aussi être observé. En effet, des artistes canadiens-anglais choisissent de créer des chansons en français, comme le Montréalais Paul Cargnello qui enregistre d’abord des albums dans sa langue maternelle, l’anglais, dans les années 2000. Puis quelques chansons en français se glissent dans son répertoire, jusqu’au lancement de l’album entièrement francophone Brûler le jour, en 2006, qui surprend ses fans et séduit de nombreux francophones. Il récidive en 2009 avec l’album Bras coupé.
La trajectoire de Thomas Hellman est assez semblable. Né d’un père américain et d’une mère française, Thomas Hellman a grandi à Montréal dans un milieu bilingue. Deux de ses trois albums réalisés entre 2005 et 2008 sont en français ; celui qui est paru entre les deux est en anglais. Quelques artistes francophiles de l’extérieur du Québec ressentent aussi une affection particulière pour la langue de Molière, notamment Damien Robitaille de l’Ontario et l’anglophone Andrea Lindsay, également originaire de cette province, qui est en quelque sorte devenue une chanteuse franco-ontarienne.
Chloé Sainte-Marie, août 2004
Par ailleurs, des dizaines d’autres langues occupent une place significative dans l’industrie canadienne du disque, notamment les langues autochtones. Le duo innu (montagnais) Kashtin a été très populaire au tournant des années 1980-1990, au point de remporter deux Félix au Gala de l’ADISQ 1990. L’un de ses membres, Florent Vollant, poursuit sa carrière en composant et en interprétant des chansons en français, en anglais et en innu. Le jeune chanteur hip-hop Samian, originaire de Pikogan en Abitibi-Témiscamingue, fait figure de pionnier dans sa communauté avec son album bilingue français-algonquin Face à toi-même (2007).
Le duo Taima, formé de l’auteure-compositrice-interprète inuk Élisapie Isaac et du compositeur-guitariste Alain Auger combine également les univers francophone, anglophone et inuktitut. Plus largement, la populaire émission de télévision Belle et Bum, produite à Montréal par Radio-Québec depuis 2003, illustre la diversité des langues et des genres musicaux présents parmi les professionnels de la chanson qui font principalement carrière au Québec. Cette diversité culturelle apporte beaucoup d’originalité et de fraîcheur à l’industrie de la chanson canadienne.
Samian, Face à soi-même (2007)