1. Les artistes et le spectacle de variétés

Bien que fortement influencé par le répertoire populaire américain, le Canada français a ses vedettes qui acquièrent progressivement un style personnel.

 

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Monument National, Montréal

Durant toute la première moitié du XXe siècle, le spectacle de variétés est très populaire. On présente des spectacles de variétés sur scène, dans les cabarets, à la radio et à la télévision. Par « variétés », on entend le divertissement nécessaire pour affronter les jours sombres de la Deuxième Guerre mondiale. Les gens ont alors bien besoin de se changer les idées. Ce type de spectacle comprend des numéros comiques, en théâtre et en chanson, de la musique de danse, des numéros de cirque ; des chanteurs de charme ou d’opérette s’y produisent aussi. Le clergé soutient certains types de spectacles qui respectent davantage le goût de l’élite. C’est le cas des Variétés lyriques, une compagnie de production de spectacles fondée par Lionel Daunais et Charles Goulet en 1936. Jusqu’en 1955, les Variétés lyriques offrent un heureux mélange de musique semi-classique, surtout des opérettes, à la salle du Monument-National à Montréal. En outre, la radio de Radio-Canada joint un plus vaste public avec son émission de variétés Les joyeux troubadours, qui sera en ondes sans interruption de 1941 à 1977.

D’autres formes de spectacles de variétés présentent un répertoire plus populaire qui soulève les passions et de sévères critiques. En effet, les intellectuels et le clergé ont horreur de l’humour à double sens, des chansons grivoises, des traductions de chansons américaines et des chanteurs de charme. Les chanteuses qui exposent avec générosité leurs charmes féminins sont également décriées. Pourtant, ce style plaît énormément au grand public, qui ne demande qu’à rêver d’amour et de ciel bleu, à éclater de rire ou à danser sur des airs de jazz. La chanson populaire est alors qualifiée de « légère », « intimiste » ou « sentimentale ».

Alys Robi, chanteuse, 1950

Bien que fortement influencé par le répertoire populaire américain, le Canada français a ses vedettes qui acquièrent progressivement un style plus personnel. Fernand Perron, Jacques Normand, Fernand Robidoux et Jean Lalonde se font entendre sur les ondes de toutes les radios. Quelques femmes se démarquent également sur la scène internationale. Après Emma Albani et Éva Gauthier qui chantent l’opéra aux États-Unis et en Europe, la chanteuse populaire Alys Robi (née Alice Robitaille, en 1923) est l’artiste qui attire le plus grand nombre d’admirateurs dans les années 1940.

Un groupe d’artistes réunis au cabaret
Au Faisan Dosé, 1948

Alys Robi commence sa carrière à l’adolescence. Elle se fait connaître dans la troupe du Théâtre national, dirigée par Rose Ouellette (dite La Poune) en 1936-1937, ainsi que dans les cabarets de Montréal. Dès qu’elle commence à enregistrer des disques, en 1942, elle devient instantanément une grande vedette. Elle participe notamment à des soirées spéciales pour remonter le moral des soldats canadiens, qui l’adorent. Elle participe également à de nombreuses émissions de radio dans plusieurs villes canadiennes et américaines. En même temps, elle se produit en spectacle dans les grandes villes canadiennes, à New York, à Paris, à Rio de Janeiro ainsi qu’en Angleterre. Elle mène une carrière endiablée. En plus de reprendre des chansons françaises et américaines, Alys Robi innove en se spécialisant dans la reprise de succès latino-américains chauds et sensuels, qu’elle traduit en général elle-même. En 1948, âgée d’à peine 25 ans, sa carrière internationale s’interrompt abruptement en raison de graves problèmes de santé. Elle reviendra sur scène dans les années 1950, puis de nouveau dans les années 1990.

Fernand Robidoux,
animateur de radio et chanteur, 1953

Disque 78 tours «Imaginons que nous avons rêvé
: du film 'Un mauvais garçon'», Jean Lalonde
et de l’Ensemble Jack Bain, 1941

Malgré les critiques dont ils sont victimes à l’époque, il faut reconnaître les efforts menés par les chanteurs de charme et de variétés pour développer une chanson populaire en français. Bien qu’influencées par ce qui se fait aux États-Unis, leurs chansons contribuent à l’émergence des auteurs-compositeurs-interprètes canadiens-français, ceux qu’on appellera les chansonniers. Mais une autre influence américaine sera nécessaire avant qu’apparaissent des artistes marquants comme Félix Leclerc et Raymond Lévesque : le country-western.

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